CHAPITRE VIII
Luke Skywalker puisa dans la Force pour reconstituer son énergie. Il ne l’utilisait pas souvent de cette façon, mais le manque de sommeil l’avait épuisé.
Il regarda le databloc, sur son bureau. Préparer les affectations avait été moins simple qu’il l’espérait. Les Jedi envoyés en mission solo se demandaient pourquoi ils partaient seuls, et ceux qui auraient reçu des affectations de groupe craignaient que Luke doute de leurs capacités. Des protestations s’élevaient sur la nature des missions, ou sur les solutions préconisées.
La dissension philosophique, au sein des Jedi, transformait le moindre problème en conflit.
— Dire que je pensais que sauver la galaxie était dur, R2 ! Mais être bureaucrate est bien pire !
Le petit droïd bipa. Il avait branché son interface à une connexion informatique pour aider Luke à garder trace des Jedi à mesure qu’ils partaient. R2-D2 mettait les dossiers à jour en temps réel, permettant à Luke de vérifier que ses agents étaient bien là où ils étaient censés être.
— Luke, nous avons peut-être un problème, annonça Mara en arrivant dans le bureau, Anakin sur les talons. Anakin va t’expliquer.
Le jeune homme sourit.
— Afin d’aider à mieux planifier les missions, j’ai conçu un programme informatique pour analyser comment utiliser notre bibliothèque de données. Si nous savons quels dossiers les gens ont demandé avant de partir en mission, il nous suffirait d’ajouter ces informations aux affectations futures. Ça ferait gagner du temps.
Le maître Jedi sourit.
— Très bonne idée.
— Merci, dit Anakin, ravi. J’ai lancé mon programme pour relever les demandes d’informations. Personne ne pouvait savoir qu’il tournait. Quand j’ai vérifié les résultats par rapport à ceux du fichier de contrôle de l’ordinateur, j’ai vu qu’il y avait un problème.
— Lequel ?
— Mon programme a détecté quinze demandes de plus que celles répertoriées dans le fichier de contrôle. Et ça pourrait signifier des ennuis. R2, récupère le fichier des anomalies et envoie-le sur le databloc d’oncle Luke.
Le droïd bipa. Luke regarda la liste défiler sur son écran.
— Les installations de la Mâchoire, l’Etoile Noire, le Broyeur de Soleil, le Sabre Noir, l’Œil de Palpatine… Tout ça concerne des super-armes ou le lieu de leur construction.
— Oui, dit Mara. Les dossiers contiennent des descriptions complètes. Il y a des tonnes de données, et nous ignorons ce que cherchait le pirate. Mais ça ne peut pas être positif…
— Si le fichier de contrôle n’a pas enregistré ces demandes, c’est que le responsable les a effacées après avoir récupéré les données. Pour couvrir ses traces ?
— Oui, dit Anakin. J’ai tenté de récupérer les données dans la mémoire, mais les zones concernées ont été réécrites deux fois. Le type est doué.
— Tu as des suspects ? demanda Luke à Mara.
— J’ai vérifié les fichiers. Peu de Jedi ont les connaissances informatiques nécessaires. J’ai éliminé d’office Anakin et Tionne. Reste Octa Ramis.
— Miko Reglia et elle étaient proches, n’est-ce pas ?
— D’après Tionne, ils ont eu une liaison à l’académie et se sont séparés une fois dans la vie active. Mais les enregistrements de leurs voyages montrent qu’ils ont pu se revoir à plusieurs reprises. Pourtant, je n’ai pas remarqué qu’Octa ait été particulièrement perturbée lors du service funéraire de Miko.
— Moi non plus. Et toi, Anakin ?
— Je ne l’ai pas vue sangloter, mais j’avoue que je ne lui prêtais pas une grande attention. Désolé.
— Ça ne faisait pas partie de tes responsabilités, dit Luke. Mara, penses-tu qu’elle ait pris ces fichiers pour construire une super-arme contre les Yuuzhan Vong ? Je ne comprends pas à quoi ça rimerait.
— Ce serait un peu extrême…
— Mais n’est-ce pas ce que Kyp a fait ? demanda Anakin. Pour venger son frère, tué par les Impériaux, il a détruit Carida !
— Pour s’apercevoir que son frère était toujours en vie… au moment où la planète explosait ! soupira Luke. La fin ne justifie jamais les moyens.
— Tu as vérifié où est Octa ?
— Elle vole à bord de son propre vaisseau.
— Intéressant. Et ses amis les plus proches ?
— Elle a rempli un certain nombre de missions avec Daeshara’cor.
— Mais celle-ci est à bord du Durastar, qui se rend à Bimmisaari. Je sais que le Durastar a eu une panne d’hyperpropulsion et qu’il a dû quitter l’hyperespace plus tôt que prévu. Corellia doit envoyer des vaisseaux pour amener les passagers à destination.
— Oui, dit Mara. Pourtant, en consultant le rapport standard d’intervention d’urgence, tu trouveras quelque chose d’intéressant. Aucune Twi’lek n’est présente sur la liste des passagers évacués.
— Comment ?
Anakin sourit.
— J’ai déduit qu’elle est montée à bord, a implanté quelques faux souvenirs chez les membres de l’équipage, puis a quitté le vaisseau avant son départ.
— Tout ça me paraît insensé. Qu’Octa cherche une super-arme, admettons : les Yuuzhan Vong ont tué Miko. Mais Daeshara’cor ? Quelle serait sa motivation ? Etait-elle proche de lui ?
Mara haussa les épaules.
— Je l’ignore. Mais les raisons de sa conduite importent peu pour le moment. Nous devons découvrir où elle est allée.
— Ça ne devrait pas être très dur, dit Anakin. Il n’y a pas mille endroits où construire une super-arme : les chantiers de Kuat…
Luke se leva.
— Construire une super-arme en secret n’est plus possible. Les ressources n’existent plus. Elle cherche autre chose.
Luke se tourna vers le droïd.
— R2, récupère les données du hangar où était le Durastar. Je veux la liste de tous les vaisseaux ayant décollé du même endroit dans les quatre heures précédant ou suivant son départ.
— Ça pourrait représenter des douzaines de vaisseaux, Luke.
— Je sais, Mara. Mais il faut bien commencer quelque part.
Luke accrocha son sabre laser à sa ceinture.
— Nous ne pouvons pas laisser une Jedi dérangée faire cavalier seul, surtout si elle cherche une arme capable de détruire une planète !
Un airspeeder les emmena rapidement au hangar d’atterrissage 9372. L’immense local bourdonnait d’activité.
Mara et Anakin se partagèrent les guichets de vente de billets pour les navettes reliant la surface aux vaisseaux en orbite.
R2-D2 se connecta à un terminal afin de récupérer les données requises.
Luke ouvrit son esprit à la Force et sonda la baie d’atterrissage. Des flots d’émotions l’inondèrent. Des gens essayaient de se souvenir s’ils avaient emballé tout ce qu’il leur fallait. Un couple énamouré en partance pour sa lune de miel fit rougir le maître Jedi.
Luke essaya de se mettre dans l’état d’esprit de Daeshara’cor. Elle s’intéressait aux super-armes et avait eu accès à des fichiers très confidentiels. Elle savait qu’on l’attendait sur Bimmisaari dans cinq jours. Un tel délai limitait son choix de destination.
Il ne pouvait pas s’agir de la Mâchoire, près de Kessel. Le Durastar, en la conduisant à Bimmisaari, l’aurait amenée à proximité de Kessel. Le dossier qu’elle avait consulté établissait clairement que l'amirale Daala avait détruit les installations. Il y avait peu de chances qu’il restât quelque chose de récupérable dans ce secteur de l’espace.
Luke sentit de la peur, à proximité. Il vit un homme tirer son capuchon sur sa tête et faire mine de partir.
— Attendez !
— Moi ? fit l’inconnu, luttant contre la suggestion mentale de Luke, mais forcé de s’arrêter.
— Vous pouvez m’aider.
— Je ne sais rien !
— Peut-être. Mais vous êtes souvent là, et vous gagnez votre vie en identifiant les besoins des gens et en y satisfaisant, n’est-ce pas ?
Un garde approcha.
— Si Chalco vous ennuie, maître Skywalker, je peux vous débarrasser de lui, ou faire un rapport.
— Inutile, dit Luke avec un geste de la main.
Le garde cligna des yeux et continua son chemin comme s’il ne s’était rien passé.
— Peu m’importent vos activités, Chalco, ajouta Luke. Mais vous pouvez m’être utile.
— De quelle façon ?
— Il y a deux jours, une Jedi twi’lek devait embarquer sur le Durastar, mais elle ne l’a pas fait. Vous l’avez vue, n’est-ce pas ?
L’homme hocha la tête.
— Je garde toujours un œil sur les Jedi. Au cas où je pourrais leur prêter assistance…
— C’est très gentil à vous…
— Je l’ai vue embarquer, mais pas redescendre. Pourtant, un moment plus tard, elle parlait avec un membre d’équipage d’un cargo. Puis elle a fait le même geste que vous, avec le garde… et le type est reparti comme si elle n’était pas là. Je me suis détourné parce que je n’avais pas envie d’attirer son attention…
— Le nom du cargo ? demanda Luke.
— Le Lucky Star II. Toutes ses étapes ne sont pas sur le plan de vol. Il se dirigeait vers Ord Mantell, je crois.
— Merci, dit Luke.
— Eh, je vous ai aidé ! Vous n’allez pas me donner un petit coup de pouce ?
Luke croisa les bras.
— Quoi, par exemple ?
— Faire en sorte que les gardes du secteur oublient que j’existe ?
— Il y aurait toujours les holocaméras de surveillance… Ecoutez-moi : j’aurai besoin d’aide pour retrouver la Jedi, c’est vrai. Si vous venez avec moi, je parlerai en votre faveur aux autorités.
— Vous feriez ça ?
— Leur parler ? Oui.
— Non, me faire confiance pour vous suivre. Vous savez comment je gagne ma vie…
— Voilà l’occasion de la gagner en vous rendant utile ! Oui, je vous fais confiance. Retrouvez-moi ici dans une heure.
Chalco réfléchit, puis acquiesça.
— J’y serai.
Mara le rejoignit au moment où l’homme partait.
— Tu récupères les chiens perdus sans collier ?
Luke soupira.
— La mère de Daeshara’cor était danseuse et voyageait beaucoup. Enfant, Daeshara’cor a passé beaucoup de temps dans les hangars d’atterrissage des spatioports. Elle sait comment s’y cacher. Nous aurons besoin d’aide pour l’attraper. Si Yan était dans son état normal, je lui aurais demandé de venir avec nous. Mais il nous faudra nous contenter de ce type…
— Bonne idée. Daeshara’cor se méfiera de nous, pas de lui… Aucun guichet n’a vendu de billet à quelqu’un qui corresponde à sa description.
— Ça colle. Il y a de bonnes chances qu’elle se soit embarquée sur un cargo en partance pour Ord Mantell.
— Elle pourrait être n’importe où.
— Je ne pense pas. Une planète, en chemin, peut l’intéresser. Il nous faut un vaisseau en direction de Vortex.
— Vortex ? Il y a seulement la Cathédrale des Vents, sur ce monde. Daeshara’cor y va pour écouter de la musique ?
— Non, pour voir quelqu’un qui a contribué à créer la musique.